La question de l’exposition des riverains agricoles aux pesticides connait une visibilité croissante dans l’espace public. Cependant, déterminer objectivement les risques sanitaires et environnementaux liés à l’exposition aux pesticides est un exercice particulièrement complexe. Cela en raison du fait qu’il est difficile d’identifier les récepteurs de la nuisance (la population actuelle et les générations futures) ou encore de mettre en évidence empiriquement les effets des pesticides sur la santé (à cause de la faiblesse des dispositifs de surveillance actuelle, de la rémanence des produits, de l’action conjuguée de multiples facteurs, etc.).
Cela se traduit juridiquement par le fait qu’il n’existe pas à ce jour de texte visant à protéger les riverains contre l’épandage de pesticides près de leurs logements. Seuls les bâtiments d'accueil ou d'hébergement des personnes situés dans les centres hospitaliers, maisons de santé, établissements qui accueillent ou hébergent des personnes âgées, handicapées ou des personnes atteintes de pathologie grave sont protégés par une zone tampon de 50 mètres. Par ailleurs, un arrêté interministériel relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits visés (article L. 253-1 du code rural) modifié le 4 mai dernier rappelle que des moyens appropriés doivent être mis en œuvre pour éviter tout entraînement des produits phytosanitaires en dehors des parcelles ou des zones traitées. Cependant, celui-ci ne satisfait ni les syndicats agricoles ni les associations de défense de l’environnement.
Ainsi, il n’existe pas encore suffisamment de données pour établir objectivement des relations de causalité entre une utilisation de pesticides, une contamination caractérisée du milieu et un impact environnemental. Au bénéfice du doute qui subsiste, le principe de précaution s’applique. C’est pourquoi, devant le vide laissé par les textes de lois et au regard de leur flexibilité, des habitants, des élus ou des associations (avec éventuellement l’appui de différents organismes agricoles), cherchent à identifier et cerner collectivement le danger pour organiser une démarche de précaution limitant d’éventuels dommages. Nous avons l’occasion dans le cadre de cette étude d’observer la mise en œuvre de démarches de ce type dans deux communes différentes. Le mois de juin sera alors l’occasion de poursuivre nos entretiens avec des riverains (qu’ils soient des particuliers ou des agriculteurs) ainsi que la participation à un groupe de travail destiné à la rédaction d’une « charte de bonnes pratiques ».
Par Etienne Amiet.